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j'aime bien me sentir touriste même dans ma ville



Je suis montée à bord du premier bus qui passait, ça ne m'a pas semblé une mauvaise idée de commencer à remplir le temps de cette journée sans but par une bonne vieille visite de Paris.

J'avais finalement trouvé un emplacement tranquille, le nez collé à la fenêtre quand un type s'est levé pour descendre nous gratifiant les autres voyageurs et moi-même d'un pet monstrueux et qui sentait fort, fort, FORT. Oeuf corse, tout le monde s'est zieuté d'un air désolé et je me suis dit que c'était le moment pour débarquer vu que, n'est-ce pas, rien ne me retenait plus dans le bus de l'horreur ; j'étais désolée pour les compañeros, les citoyens travailleurs contraints à demeurer là sans oser respirer, pris au piège de leurs obligations de timing, mais bon, tant pis pour eux, après tout, ils peuvent compter avoir une retraite pour leurs vieux jours eux .... mais c'était pas le moment de m'attarder sur mon triste sort, j'étais à présent dans le quartier latin.

J'ai tourné quelques coins de rue et me suis jointe à la visite guidée d'un groupe d'étrangers; à l'accent, je dirais des norvégiens, mais je suis prête à jurer de rien. La guide était blonde, elle avait dans les quarante ans et son décolleté était bien joli quoiqu'un peu fripé, sûrement par des dizaines d'étés passés au soleil, les seins nus, et son tailleur était parme, ça mettait son corps bronzé en valeur, tout le monde en paraissait ravi.

Elle arrêta brusquement la sage colonne que nous formions devant un porche absolument pas architecturalement remarquable et se mit à effectuer une foule de grands gestes, ses escarpins roses bien d'aplomb sur le trottoir, le bassin en avant, cambrée et ondulante à la fois, ses mains virevoltaient au dessus de sa tête pendant une minute, un petit mouvement de pelote au niveau du nombril, puis elle écarta les bras comme pour mimer une mesure dans l'espace (vous savez du genre "cette
truite était bien longue de ça ! je dis pas des blagues, à croire que sa mère avait fauté avec un requin"), le tout argumenté dans cette langue nordique et charpentée à laquelle je ne comprends que couic. Elle répéta cette suite de mouvements par trois fois et soudain, donna le signal du départ.

J'étais bien intriguée de savoir ce qui avait pu se passer dans cet immeuble qui donna l'occasion à ma guide de déployer ainsi ses talents d'expression corporelle :
et c'était bien entendu l'endroit où avait vécu Georges Sand.
L'histoire dit que cette Georges Sand écrivait des livres pépères style "Martine angoisse à la campagne" mais la vérité c'est que dès qu'elle arrivait à Paris, elle tombait le masque et  ne manquait pas une occase  d'envoyer balader sa robe empesée qu'elle relevait d'un grand geste par dessus sa tête, là cette danseuse du ventre accomplie ne se faisait pas prier bien longtemps avant de dégraffer son corset d'un vif mouvement de pelote au niveau du nombril pour mieux faire dorer des
seins nus et blanchis par le respect qu'on doit à l'éducation, exposant à sa fenêtre de la rue de Seine une poitrine si large, si large,à croire que sa mère avait fauté avec un requin.

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